Au centre social et culturel André-Dhôtel Le courage d’apprendre

Extrait de L'union – L'ardennais:
Publié le mardi 22 février 2011

«ALDJIA, s'il te plaît, viens au tableau et écris bonbon », demande Jackie Dampron. Aldjia s'exécute et, après quelques petites erreurs, écrit le mot sur le grand tableau blanc.
On n'est pas dans une salle de classe, mais à l'atelier sociolinguistique du centre culturel André-Dhôtel. Une fois par semaine, huit femmes viennent suivre un cours de langue, lecture et écriture avec l'animatrice. Aujourd'hui, seules Tassadit, Aldjia, Karima et Farida sont présentes.
D'origine maghrébine, elles n'ont jamais eu la chance d'être intégrées dans le système scolaire. Qu'à cela ne tienne. Puisqu'elles n'ont pas connu les bancs de l'école, elles s'acharnent aujourd'hui avec une belle application à sortir de l'analphabétisme.

Après l'effort d'écriture, vient celui de la lecture. Tassadit ânonne à voix haute, ses trois amies suivent en soufflant tout bas les mots de la liste : « La loi, un bouton, le bijou, un mouton, le miroir… » Elles butent parfois, ont visiblement des difficultés à distinguer « ou » et « on ».
« Dans ce groupe, nous travaillons avec des femmes d'origine maghrébine. C'est d'autant plus difficile qu'elles ne distinguent pas certains sons comme u et é. En plus en français, il y a l'écriture attachée, détachée, imprimée ou manuelle… Mais elles sont super motivées et m'épatent tous les jours », apprécie Jackie Dampron.
Cela fait un an que ces « élèves » suivent ces cours. Malheureusement l'espacement des séances ne leur permet guère de se souvenir du cours précédent, et cela entraîne beaucoup de répétitions.
Une indépendance durement gagnée
En revanche, l'étalement des leçons sur la durée leur a permis de sympathiser, si bien que les moments de concentration intense sont suivis de rires, de conversations murmurées en français ou en arabe, d'échanges amicaux avec l'animatrice dans une ambiance chaleureuse qui les motive. Apprendre à l'âge adulte est toujours beaucoup plus difficile.
Karima a 29 ans. Elle est arrivée en France en 2007, complètement analphabète, elle ne parlait pas un mot de français. « Je n'ai jamais été à l'école, je viens des montagnes en Kabylie. Je viens ici pour parler français. C'est un peu dur, je suis contente quand j'y arrive. Je parle mieux maintenant. »
Débarquer dans un pays étranger a été difficile, la jeune femme cache son manque d'assurance sous une mine réservée.
Tassadit, en revanche, est arrivée en France il y a quarante ans, tout aussi analphabète. Pendant toutes ces années, elle a communiqué avec l'extérieur par l'intermédiaire de son mari, puis de ses trois fils et de sa fille.
Aujourd'hui âgée de 67, elle a « décidé d'essayer : des fois ça me fait mal à la tête, il y a des mots que je ne connais pas, mais je suis contente quand j'y arrive. »
Elle parle aujourd'hui français avec une relative aisance, et a enfin atteint une certaine forme d'indépendance au quotidien. Son sourire quand elle évoque cette autonomie durement conquise efface tous ses maux de tête : « Je peux parler aux gens, payer les factures avec mon argent. Je ne comprends pas toujours tout, pas assez pour remplir la paperasse, mais maintenant, je peux faire des courses et aller voir le médecin. Ça me rend fière. »
Caroline BOZEC

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